Cahier de bord : les Gambier : les pas brèves….

Publié le par Equipage Contre-Temps

Ou

Le Heiva est fini mais nous, on reste encore ici….

Ce coup-ci, le mousse réitère, presque, son exploit du dernier article… : beaucoup d’images – voir l’album photo « les Gambier », plus les sections « le juillet » et « les insolites » mis à jour - … , et quelques mots, mais un peu plus que la dernière fois, pour vous narrer cette semaine…

Les 6 derniers jours du Heiva ont été l’occasion de voir et de vivre des moments incroyables, à l’exception, quand même, 

  1. de l’orchestre qui avait été convoqué de Tahiti et qui a été, disons-le, mauvais… heureusement, il n’a sévi que la nuit du 12 juillet et les 24h du 14 ! on a tous été très content quand il s’est arrêté de jouer sa guimauve – de la variétoche des années 75 au ukulélé, et oui ça existe ! –, même si le mousse a un sommeil de plomb ici et n’a absolument rien entendu ... Le nouveau médecin, dont la maison est devant les baraques, a dû dormir dans une pension de famille, en haut de la route, tellement c’était trop ! 
  2. des pochetrons du vendredi et samedi soir, représentant dignement les échoués du monde entier, dans ce qu’ils ont de plus navrants et ridicules… écroulés sur le dock, pissant et dégueulant des litres de Hinano et de rhum, gentils, polis et salement avinés, à la limite du coma éthylique, et ramener chez eux dans le camion benne de la commune, au soleil déjà haut dans le ciel !

A part ça donc, et c’est bien peu de choses en somme, l’équipage a pu assouvir sa gourmandise, tant visuelle qu’auditive, que même le curé mangarévien, dans toute sa sollicitude, ne pourrait entendre en confession et encore moins absoudre, tellement ils ne sont régalés ! - si jamais, il venait un jour à l’idée du capitaine et du mousse de la faire – leur confession -, … ,mère du capitaine

Bon, bref, ils se sont régalés !

« Et qu’est-ce que vous avez vécu de si extraordinaire » direz-vous ?

On a vu ce que peu de gens dans le monde peuvent admirer; parce que, pour de vrai, si on fait les comptes, étaient présents à ce Heiva, disons une dizaine de membres des équipages des voiliers – sur 16, et oui, y’en a qui ne sont pas curieux, ou bien blasés, ou qui sont au resto, ou pas conscients de la chance qu’ils ont d’être là, ou fatigués par le dur rythme de la vie mangarévienne , ou solitaires, ou mal embouchés, ou…..houps, restons polis ! -, donc, disons 10 « externes » + entre 100 et 300 personnes les soirs de week end, ça fait, si le compte est bon, entre 110 et 310 humains qui ont vu ce que l’équipage a vu pendant ces 3 semaines de festivités !!!! On n'était pas venu pour ça mais, rater ça, aurait été une grosse bétise...

Epoustouflant quand on y pense comme ça, non ?!

Ici, on est loin du folklore fabriqué artificiellement par des élus en quête de reconnaissance ou pire, par des professionnels de la communication et du marketing, cherchant à faire survivre, à coup de festivals et de galas, des traditions moribondes - voire déjà mortes - faute de participants, le tout à grands renforts de subventions ou de billets de tombola.

Ici, la tradition, la culture et la langue mangarévienne vivent d’elles-mêmes, 360 jours par an, évoluant plutôt sereinement entre culture de perle, école, vie en famille et tablettes électroniques, novelas télévisuelles et tahitien. Elles sont simplement mises à l’honneur pendant 20 jours, et partagées en pleine lumière… Et même si les lampions ressemblent à ceux d’une fête de village à la Tati ou, pour certains, à « la foire de Trifouillis les Oies un dimanche pluvieux de novembre » – dans le texte… ce que le mousse trouve tout à fait inexact vu la couleur du ciel et la température extérieure, y’en a qui y sont jamais allés à Trifouillis les Oies pour dire ça, c’est sûr ! -, la fête a donc été réussie, autant grâce à ses grands moments qu’à ses petits cafouillages… et la quiétude avec laquelle elle s’est déroulée, sans bagarres, sans vols, sans grossièretés, même quand on perd au babyfoot ou au futsall, ni dégradations – si on exclut la clôture du jardin du médecin qui n’a pas supporté le poids d’un maousse costaud titubant et chutant finalement sur les tuteurs d’haricots verts ! -, cette quiétude, pour reprendre le fil, est une preuve, s’il en fallait une mais c’est même pas sure, est une preuve, donc, que la fête, ici, a une signification intégrée par chacun : la continuité de la communauté ! le tout, il faut le noter, c’est important, sans la présence des gendarmes – en même temps, vu l’effectif, 2 , ils auraient de tout façon eu du mal à faire un roulement !-

Concrètement, ça donne : 

  • laisser les tout petits assister aux répétitions, singer les danseurs et taper sur les percussions « pour qu’ils apprennent le rythme », 
  • jouer sa fierté en râpant des cocos ou en étant le plus fort au bras de fer,
  • les « grands soirs », mettre en première ligne des groupes de danseurs, des jeunes filles plus que rondes, des mamies portant sur leur ventre leurs multiples grossesses, et des chefs de groupes cumulant les deux critères précédents, 
  • risquer sa réputation de cuisinier et son chiffre d’affaires de la fête sur la qualité de ses chevrettes au curry,
  • avoir ses enfants qui dansent ou qui jouent des percussions dans les deux groupes « rivaux » de l’ile,
  • chanter l’hymne mangarévien avec plus de conviction que celui de la Polynésie ou que celui de la France,
  • porter, quand on est une fille, et quel que soit son âge, les cheveux très longs, parce que c’est plus joli pour les couronnes de tête – même quand on n’est pas danseuse ! –
  • décaler le concours de pêche au gros pour ne pas déranger la messe,
  • rappeler, au moment de la remise des prix, qu’il faut payer les patentes des baraques, sous peine de sanction : être privé d’un prix– « respecter le comité » ça s’appelle ici ! –
  • discourir en français, en polynésien et en mangarévien,
  • présenter des prestations de conteuse, danseuse, et danseur, réalisées par des enfants, sans que la moindre suspicion ou de présupposés pédophiles ne viennent perturber ses jolis moments,
  • se faire raconter à l’oreille, par des enfants de primaire, les histoires chantées pendant les danses traditionnelles. Histoires en mangarévien, cela va de soi ! Histoires tragiques de roi se vengeant des meurtriers de ses enfants, de mamans oiseaux dévorées par l’aigle qui a déjà tué ses petits, le tout sur un rythme entrainant et dansant. C’est Shakespeare dans le Pacifique, ou les tragédies de la vie, noyées sous l’odeur du tiaré !
  • inviter les mangaréviens à faire découvrir les spécialités locales du banquet du 14 juillet « aux vi, siteurs » ! – ça, c’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd, on a tout gouté, et plus de deux fois !
  • modifier, quelque fois, les règles d’un concours, pour que chaque partie, famille, quartier, y trouvent leur compte de reconnaissance de l’effort fourni,
  • avoir un lieu de fête toujours propre, même les jours de gadoue ou d’activité cirque !
  • donner aux enfants un gouter ou un déjeuner copieux les jours d’activités « spécial jeunesse » – même si l’équilibre alimentaire n’est pas le fort des mangaréviens : frites soda ketchup poulet frits!-
  • proposer des activités toutes gratuites,
  • demander à un capitaine de voilier d’être membre du jury,
  • interdire la vente et la consommation d’alcool aux mineurs, qui, si ils sont vu par la directrice de l’école primaire, prennent d’abord une baffe, puis sont dégrisés à coup d’eau de mer, et ensuite ramenés chez les parents qui en sont quitte pour une plainte déposée à la gendarmerie ! 
  • faire tenir le stand « Barbapapa » et « jeux pour enfants » dont 2 billards, par la même directrice de l’école, Madame José, crainte et respectée, mettant les règles de politesse au plus haut niveau de sa morale !
  • etc.
  • etc.

L’équipage a aussi profité de ce moment remarquable pour les mangaréviens pour faire des rencontres délicieuses. Il a passé de très bons moments avec :

  • Mata, mama de 60 ans, chef de sa tribu et grande coquine ici-bas. Elle raconte ses fenêtres qui ont tremblées lors de la dernière explosion de Mururoa, ses recettes de cuisine pour le ma’ha tahiti – four tahitien - qu’elle fait tous les week end pour sa famille, le pe’ï, pas de danse unique et spécifique aux Gambier, épuisant pour les danseurs qui tapent des pieds, en cadence, pendant de longues séquences au pa’u –tambour- et moulinent des bras non-stop, chante le papa’u’été – chant qui doit faire rire, et dont les paroles, improvisées, reprennent les évènements caricaturés de la journée… L’une des meilleures tresseuses de l’ile, si ce n’est la meilleure, elle a la charge de créer le nouveau couvre-chef du capitaine !
  • Patrice, responsable du comité des fêtes, rencontré alors que l’équipage cherchait des informations sur l’histoire de Mangareva. On avait questionné le chef de chantier de l’internat, qui nous avait envoyé vers François, le professeur de maths, qui nous avait envoyé vers Danny, le secrétaire-chef de choral-chorégraphe-réré… Patrice a stoppé la course de l’équipage et a commencé à raconter …
  • Teri le créateur des pa’u –tambours mangaréviens faits à l’origine pour appeler au combat d’ile en ile – . Il surveille sa fille- danseuse- comme le lait sur le feu : tous ses mouvements doivent être parfaits, elle doit sourire et chanter, tout le temps – ce qu’elle fait fort bien d’ailleurs – ; c’est la seule à réaliser le tamouré accroupie ! Dur boulot que celui de papa! 
  • Le chef tambour, un doux allumé, engagé à fond dans sa musique et dans son rythme. Longs échanges avec le capitaine …. Et en papotant du concert que le capitaine et le mousse avaient vu il y a plusieurs années à Tahiti – merci cousine ! -, regroupant les tambours polynésiens et ceux de Youssouf N’Dour, il a laissé échapper un « j’aurai bien aimé être là ! » avec un tel élan, que le capitaine en a été tout ému…
  • Ovaïri, serveuse imposante, dans tous les sens du terme, chez Jojo. Elle porte, sur la totalité des bras, les tatouages marquisiens des Po’i, guerriers reconnus pour leur bravoure. Elle a la version féminine du dessin – inversée par rapport à celui des hommes – car elle est descente de la lignée ! Son sourire et sa fierté lorsqu’elle raconte son histoire vaut une belle émotion au mousse.
  • Magalie d’amour, - si, si, c’est son pseudo sur facebook ! - équipière canadienne du bateau Taonga. Très investie dans son projet altermondialiste « alternative world sailing community » - page facebook pour les suivre -. Elle a offert à l’équipage, en plus de sa bonne humeur et de son enthousiasme, un cadeau tout à fait en adéquation avec elle : un piège à rêves. Et elle en a raconté la légende au mousse : « dans l’ancien temps, les amérindiens prenaient leurs décisions en communauté. Pour s’assurer qu’elles étaient porteuses de succès, ils attrapaient une toile d’araignée entre deux bouts de bois : si la toile tenait, le présage était bon, si non, la décision devait être revue ! ». Le piège à rêves a donc d’abord été un « porte la chance » comme dit Magalie, puis il a été mis au-dessus du berceau des BB, pour favoriser les doux rêves. Les mauvais, emprisonnés dans la toile puis concentrés sur la pierre, sont consumés par le soleil. Les jolis rêves, eux, glissent le long de la plume pour atteindre l’enfant endormi !
  • François, capitaine de son Pepikat, grand pécheur –sous-marin- ! Un fou furieux des Marquises. Il offre son aide comme son thé à la menthe locale, avec un grand sourire. Et sa confiture d’oranges a remporté l’unanimité auprès du capitaine, « meilleure que celle des anglais qui ne savent faire que ça mais qui le font bien » dit-il ! En plus, il est pote comme cochon avec le bateau Eclipse et son capitaine, celui-là même qui a abordé Contre-Temps à Pedro Gonzales, aux Perlas ! ça lui fait un beau pédigrée, donc !
  • Et aussi une dizaine d’enfants, tous soucieux de découvrir Contre -Temps en long large et en travers ! L’équipage a en effet enfreint la règle qu’il s’était toujours fixé : ne pas faire monter de locaux à bord ! Oui, mais là, Rumareï, Salomon et les autres ont fait craqué le mousse et le capitaine. De grands moments à la clef : appels désespérés du dock, dés 9h le matin « venez nous chercher, on est là ! ». Un rouleau de PQ passé en entier dans la cuvette à cause du mousse qui s’est mal exprimé : « tu prends le rouleau pour t’essuyer ! » - voilà, ça c’est fait !-. Des tonnes de pain données aux rémoras et autant en kilos de bonbons à Sika. Les enfants, à terre, essayant de reproduire les tours de Sika avec les chiens locaux, plus souvent battus que sollicités – ils les ont fait, les tours, et les enfants en sont restés baba en découvrant qu’un chien pouvait donc être gentil !-. Et la recette du sirop de citron, appelé dorénavant « le sirop bateau », donnée à tous les grands parents présents aux baraques tellement les enfants en ont fait la pub !
  • Quant aux deux mal assortis – pour rester entre gens de bonne éducation mais le mousse a tout de même un tout autre mot qui lui vient en tête, croyez-la sur parole ! – donc, quant aux deux mal assortis que l’équipage croise régulièrement sur l’ile, et bien il n’est parlera pas et ne vous les montrera pas. La raison ? Ils ont en commun leur passé couleur kaki et le boudin et on pense vraiment que le kaki est justement la couleur qui sied le plus mal à Mangareva, même en short ! c'est dit !  

 

La conclusion de cet article sera donnée exceptionnellement à une américaine, Lili, dont l’un des défauts est d’être américaine, et l’autre, est de ne faire aucun effort pour parler français mais qui a comme grande qualité la spontanéité, ce qui la rend tout à fait fréquentable ! Elle dira au mousse, en voyant une « boutique de vêtement », - dans un mobil-home brinquebalant devant la route de Rikitéa-, fenêtres et portes ouvertes, vêtements accrochés en plein soleil « Aux Usa , impossible de voir ça, tout serait volé, cassé, vandalisé, arraché, et en Floride, impossible aussi, à cause de la clim, tout est toujours fermé ! »

Hum, il fait bon vivre ici… Non ?

Allez, c’est pas qu’on s’ennuie mais on est un peu fatigué. Alors, pour se remettre du Heiva, l’équipage a décidé d’aller faire le tour des quelques autres mouillages des Gambier…. Histoire du jouer au Robinson et de rêver devant les motus…Un boulot………..

1ere étape : l'ile de Totegegie

Cahier de bord : les Gambier : les pas brèves….

Publié dans Cahier de bord

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T
Toujours plié de rire à vous lire.<br /> Merci pour les nouvelles et les photos.<br /> Promenez vous bien.<br /> Bisous, bisous et truffe.<br /> Edwige et François.
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L
Super l article je me suis régalée de vous lire; Garder la grande forme <br /> Il y a un an nous naviguions ensemble <br /> Que de miles parcourus depuis<br /> Bisous à vous deux de Nîmes
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