Cahier de bord : Curaçao de toutes les couleurs sauf le bleu… Bof, bof !
L’arrivée à Curaçao s’est faite sous la pluie, après un violent orage et une navigation toute aux moteurs depuis Kleine Curaçao. Bof, bof !
Après s’être fait jeté trois fois de différentes zones de mouillage – c’est comme ça qu’ils disent ici- parce que le vent d’ouest a fait tourner tous les bateaux en bourrique et mis les chaines et les ancres au bout des chaines en vrac, Contre-Temps mouille enfin dans la zone D – ou E ça dépend des cartes-, caché derrière des collines, sans habitations, dans de l’eau plutôt mangroveuse – voyez ce que j’veux dire…-, avec le bateau copain Kouunji et deux épaves – le mousse décrit ci des bateaux échoués et non des équipiers chus -… Un peu loin de tout et de tous, c’est plutôt mieux pour Sika chien et pas si mal pour les deux jambes qui l’accompagnent ! Pas un pette de vent, pas une vague, calmasse au mouillage, tellement que l’équipage se réveillera plusieurs fois en se demandant s’il n’est pas lui aussi échoué pour de bon – le bateau, pas l’équipage, mauvaises langues que vous êtes ! –.
Mais deux aspects sont à envisager quand il pleut des tonnes d’eau :
- D’abord, le bateau est propre comme un sou neuf, il ne poisse plus, les poils de Sika chien disparaissent comme par enchantement et puis les réservoirs se remplissent tout seuls, et Contre-Temps est totalement autonome !
- Ensuite, à votre avis, ça fait quoi la pluie qui tombe sur la mer ? Et ben ça fait splash, comme dans les flaques d’eau à terre mais c’est pas tout, ça fait aussi de la lumière ! le plancton fluorescent réagit à l’eau douce, en quelque sorte… du coup, la mer devient la nuit étoilée. Du coup, quand les nuages veulent bien la laisser passer, la nuit étoilée est dessus nos têtes et dessous nos pieds et quand ils veulent pas, on l’a de toute façon au moins une fois, il suffit de pencher la tête vers le bas !
Bon quand même, quand c’est gris aux Caraïbes, c’est pas folichon-folichon … Bof, bof !
L’avantage, sous ces latitudes, c’est que le mauvais temps, ça dure jamais bien longtemps ! Le soleil revient, donc – comme il sait bien le faire ! -. Tout le monde s’est posé, a séché, on retrouve quelques bateaux vus à Grenade…Bref, la vie est belle et on a de la chance…. surtout qu’après coup, on comprend pourquoi on est tout seul : la zone D – ou E, comme vous voulez – est au cœur du parc national ! Bien tranquilles, bien peinards qu’on est, loin des jets ski et autres trucs à moteurs que les locaux - blancs - aiment faire vrombir dans les autres zones, tous les week end, au milieu des annexes, des planches à voiles, des mômes et des chiens qui nagent ! Bof, bof, on est content d’avoir fui les beaufs – sans faire exprès - ! !
Curaçao est l’ile des couleurs… on devrait voir :
- des verts, parce que c’est plus humide que sur les autres iles,
- toutes les couleurs de l’arc en ciel parce qu’on dit de Willenstadt – la capitale – qu’elle est comme une ville de l’Europe du nord coloriée à la mode antillaise,
- et particulièrement du bleu – orange parce qu’on est au pays des oranges amères et de sa fameuse liqueur…
Première journée en ville pour faire la paperasse – facile, gratuit mais les déplacements sont longs entre la douane et l’immigration et le bus qui mène de Spanish Water à la ville a des horaires « allez à Thouars » ou « Allée Atouard » ou « Aller atouar » bref, pas à l’heure du tout ! -
"Et là, pas déçus qu’on est" comme dirait maitre Jedi…. Des couleurs, on en voit ! On s’en prend pleins les mirettes, des primaires criardes, qui enjolivent la ville, par ailleurs riche grâce au raffinage du pétrole !
Et la richesse, elle se voit, ici : les maisons sont monumentales, ornées comme des pains d’épices de Noël, les maisons de « pauvres » sont en dur, plutôt proprettes sur elles, pas vu ni mendicité ni glandouilles douteuses…. les pauvres ont l’air moins pauvres à Curaçao que dans les iles déjà traversées ! Ça donne, en tout cas, cette impression là …. - Ou alors, ils les ont bien cachés…Va savoir avec ces hollandais à la langue ni allemande, ni flamande, à la peau blanche toute tatouée et aux « moutardes de Dijon » au gout de Savora ! -
La ville est séparée en deux et adossée aux raffineries toutes moches, qui se lovent au creux du bras de mer qui entre dans la cité ! C’est curieux et totalement inscrit dans l’ère industrielle de la fin du XIXème siècle parce que les premières raffineries ici datent de cette période la- qui aurait, aujourd’hui, l’idée de construire une capitale autour de plusieurs Beaubourg même pas en couleurs ? - Bof, bof !
Du coup, il y a des petits ponts, des grands ponts, des ponts en dur, des ponts mobiles, des tas de ponts qui facilitent le passage de Punda à Otrabanda - les deux côtés de la ville-, d’un quartier à l’autre, d’une zone à la suivante.
Puisque le pont principal est tournant et s’ouvre à chaque demande de passage de n’importe quel type de bateau, le capitaine, assis à l’une des terrasses ombragées et brumisées, se met à attendre désespérément le passage d’un gros tanker, « pour voir comme c’est beau », qu’il dit ! Mais rien à faire, y ont décidé de pas passer tant qu’il serait là à les mater ! Juste deux pousseurs et une barcasse de l’armée à se mettre sous l’œil, rien de bien emballant ! Bof, bof !
Qui dit ville et sous dit bouchons, « ring » – voie circulaire genre périph.-, coups de klaxons, gros 4x4 Humer qui puent, commerces pour les touristes qui débarquent, en plein cœur de la capitale, par paquet de 3 000, tous rouges et tous pastillés pour pas se perdre, des gros HLM flottants… Bof, bof !
Surprise : ce sont des lanchas vénézuéliennes qui approvisionnent les locaux en fruits et légumes, – va savoir Charles, rien n’est en culture ici ! – et le marché flottant est coincé entre les quais et les gros machins de la « croisière s’amuse ! »…
C’est les vénézuéliens qui se fendent la gueule au milieu de ce capharnaüm post hollandais! Eux, ils se rentrent chez eux en fin de semaine, blindés de dollars et de florins – ou guilders en local ! – drôlement plus intéressants que leur monnaie nationale ! et les voilà riches comme crésus grâce à des zozos qui ne savent que raffiner du pétrole et qui n’ont aucun idée de ce qu’est être cultivateur !
Alors, avouons quand même - et pas sous la torture - que l’un des + des antres dites « civilisées », c’est la possibilité de se goinfrer - enfin- d’énormes big mac, de double cheese, de french fries et de coca de 1litre sans glaçons parce qu’ici, les Mc Do sont aux normes Us ! – ouais, et p… que c’est bon quand on n’a pas mangé ce genre de saloperies depuis 18 mois !-
Mais un léger trouble saisit le mousse : juste derrière ce joli symbole de la mondialisation, marketé et normé jusqu’à sa couleur de façade, il y a – devinez quoi qu’il y a ? – il y a une rue toute mignonne, toute colorée, toute propre, et toute vide parce que toute à vendre… Bof, bof, ça laisse un gout pas sympa dans la tête – vu que la bouche est pleine de ketchup et de sundae aux Mnm’s, là, y’a plus de place ! -
«Rien de bien bandant » comme dirait le capitaine, alors va pour un tour de deux jours pour visiter l’ile en voiture et pas en bateau, parce qu’ici, pas de mouillage hors de portée des fumées des raffineries... Bof, bof !
Curaçao est partout construite mais avec un habitat très dispersé. Pas d’harmonie, deux grandes routes principales, une multitude de routes secondaires qui mènent à des résidences privées et privatisant et la terre et le bord de mer, de grandes églises couleur ocre au milieu de nulle part... Bof, bof !
Heureusement, il y a les habitants « pas blancs », tous gentils, très soucieux de l’impression que leur ile laisse aux visiteurs, aussi prévenants en ville qu’en stop, souriants, balançant entre la nonchalance et la grâce de ceux qui aiment simplement aider et faire plaisir…. L’équipage entendra encore beaucoup le « you’re welcome », et verra autant de sourires et de simplicité dans la relation qu’à Grenade ou à la Barbade… quel plaisir….
Il ne restera dans les yeux de l’équipage que quelques beaux endroits …
Et quelques jolis étonnements …
Même pour Ramon qui, pour se redonner le sourire, fait une petite pose près – très près – d’une grosse dame en couleurs …
« Et les oranges bleus » vous direz au mousse ? « On les a pas vu », « On n’a pas eu de photos » ?
Et ben non, on les a pas vu, ni de près, ni de loin, aucunes plantations, aucunes exploitations… on a sans doute mal cherché ….mais rien trouvé qui y ressemble, du Nord au sud et de l’ouest à l’est…. On s’est même demandé si les écorces d’oranges amères, bleuies au colorant !, ne venaient pas du Vénez. par lanchas….genre….. Bof, bof !
En bref et pour être clair, Contre-Temps et son équipage attendaient avec une certaine impatience le bon créneau météo pour partir vers Cartagena des Indias – en fleuretant avec le Cabo de Vella, l’un des 10 points les plus chauds à passer en voilier sur la planète, ceci explique cela donc ! – pour sans doute y passer les fêtes de fin d’années… Noël en Colombie ! - même si il se prépare déjà ici….
Tout est prêt à bord, y’a plus qu’à… d’autant que le bateau copain Kouunji, est parti aujourd’hui, lui, vers les Bahamas… Il devrait revenir vers Panama en février – mais en bateau, rien n’est moins sûr que les rendez-vous maritimes !-
- les fichiers Gryb
- et le site « passage weather »
- et les nuages redevenus des petits ballons
- et le vent de nouveau établi et presque plus en rafales….
Ils ont dit Go !!
C’est bon, le départ est prévu pour ce samedi…. Le vent est annoncé à 10 nœuds – il faut en ajouter 15 bien tassés au passage du cap avec une mer souvent difficile-, route sur la ligne des 1000m de profondeur pour éviter justement la mauvaise mer et les débris des gros fleuves qui se jettent dans la grande bleue... ça rallonge mais c’est plus sûr, ça devrait faire un 3 ou 4 jours de nav., dépendra de la moyenne à 5 ou 6 nœuds.
Dernier flash : si la mer le permet, peut être d'un stop à Santa Marta une petite semaine pour aller voir la neige à 5700m !
Ça y est, ça sent bon la mer et le sel….
Et la vie couleur bleu profond recommence….