Le nono qui gratte N°1 : la météo

Publié le par Equipage Contre-Temps

Le nono qui gratte N°1 : la météo

Le capitaine a maintenant une chronique quotidienne à Radio Marquises, 101.5, tous les mercredis.

La consigne : être le nono qui gratte - l'affreuse bestiole qui croque les peaux des visiteurs, laissant une envie de gratte terrible pendant 5 jours et souvent une infection à la clef! - .

Le maire de la Commune de Nuku Hiva a déjà fait connaître sa démangeaison chronique à la séquence du mercredi, le capitaine a donc réussi sa mission...

Les Marquises bonjour. Un frani[i] parle aux marquisiens. Moi, C’est Joni. Je suis un frani à voile. Je suis arrivé ici par la mer avec ma compagne Cécile et mon chien Sika.

Vous savez que c’est loin chez vous. En tout cas, quand on vient vous voir, ce n’est jamais par hasard. Avec notre petit catamaran, il nous a fallu 22 jours depuis les Galápagos. C’est une belle traversée, une des plus longues qu’on puisse faire pendant un tour du monde. Généralement, quand on arrive aux Marquises, après quelques bonnes nuits de repos et quelques réparations indispensables, on se met en tête de visiter les îles du Fenua. On découvre un pays mythique dont on a souvent rêvé comme un petit paradis. On part naviguer d’île en île avec nos maisons sur notre dos.

Et là, tous les marins du monde ont un réflexe conditionné : on prend la météo. Avant chaque navigation, c’est un rituel, on se connecte à internet et on recherche nos sites préférés pour estimer le temps qu’il va faire et notamment la force et la direction du vent. On peut ainsi déterminer quand partir et choisir le chemin le mieux adapter à nos voiliers. D’ailleurs certains regardent tellement la météo qu’ils ne partent jamais. Le proverbe breton dit « à trop regarder la météo, marin, tu restes au bistrot ».

Mais, quand on arrive dans une nouvelle région, il faut un certain temps pour s’adapter au climat local et comprendre les informations qu’on peut glaner à droite à gauche, sur le net.

Et je dois dire que là, j’ai mis un certain temps à comprendre. La première fois que je me suis inquiété, ça a été le jour de la finale de la coupe du monde de rugby.

Au snack du petit quai de Taiohae, papy Henry règne en maitre, et, toujours soucieux de faire plaisir aux visiteurs à voiles, il avait installé pour le grand jour, une télé grand écran pour que tout le monde puisse suivre l’évènement. Un super petit déjeuner était prévu, car, à cause du décalage horaire, le match avait lieu assez tôt, vers 6 heures le matin. Chacun était venu aux couleurs de son équipe préférée et les pronostics sur le vainqueur allaient bon train. La rencontre était retransmisse par Polynésie Première ou MTV, je ne me souviens plus. Mais toujours est-il que juste avant le début de la rencontre, une pulpeuse vahine décorée en arbre de Noël nous propose la météo : « Le soleil sera présent pour les deux jours à venir sur les Marquises nord et sud. Un vent d’est soufflera à 20 km/h. Les températures seront agréables »

Le problème, c’est que, sur le petit quai, ce n’était pas ça du tout. Il tombait des trombes d’eau, qui balayaient le snack par rafales.  Les chaises et les tables s’envolaient. Papy Henry, dans sa grande sagesse, avait décidé d’amarrer solidement la télé. Les supporters trempés et gelés, tentaient, comme ils pouvaient, d’empêcher le chapiteau de s’envoler, cramponnés aux poteaux. C’est dans ces conditions que le match commença, et malgré quelques accalmies passagères, ce déluge dura toute la matinée avec plus ou moins d’intensité.

Enfin, quelque chose clochait entre les prévisions optimistes de Météo France.pf et la situation catastrophique du terrain. Je cherchais à comprendre … peut-être s’étaient-ils trompés de jour, ou peut-être que c’était pas le bon papier que l’arbre de Noël lisait. En tout cas, ils étaient en panne de téléphone, parce que, ils avaient juste à passer un coup de fil pour vérifier les prévisions. A la mi-temps me vint une idée : regarder le site internet de météo France.pf ; mais les informations étaient globalement les mêmes qu’à la télé. Ce n’est qu’en fin de matinée, quand le mauvais temps commença à se calmer que je vis, incrédule, une alerte jaune apparaitre sur le site.

Ce fut mon premier contact avec la météo du Fenua.

Ici, donc, météo France.pf annonce la météo qu’il a fait, pas la météo qu’il va faire.

Il se passa la même bizarrerie, il y a quelques semaines quand Tahiti se retrouva submergée sous des pluies diluviennes. Aéroport fermé, le centre ville de Papeete inondé et de gros dégâts pour les habitants. Là encore, l’alerte fut donnée après l’évènement. Les responsables de météo France.pf, interviewés sur Polynésie Première nous expliquèrent que les données qu’ils relèvent sont analysées à Toulouse et que ce genre d’évènement très ponctuel ne pouvait pas se prévoir … sauf que d’autres sites, américains par exemple, avaient annoncé le déluge avant qu’il ne se produise, eux !

Même constat ce jeudi 16 mars, sur Nuku Hiva. La vigilance jaune pour fortes pluies apparait le soir, après une après-midi sous des trombes d’eau.

Je voudrais, sans aucune intention de les vexer, dire une ou deux choses au personnel de météo France de Polynésie. D’abord, oubliez Toulouse les gars, la connexion est trop longue et quand les prévisions arrivent, c’est trop tard.  Ensuite, servez vous de votre téléphone une ou deux fois par jour, au moins vous aurez le temps qu’il fait, ça sera toujours ça de gagner. Enfin, demandez-vous, pourquoi certains poti marara[ii] partent, malgré une vigilance en cours. Aujourd’hui, au petit quai, quand on voit une vigilance apparaitre, on se dit « Ok, le mauvais temps est passé, on peut y aller »

Enfin bon, moi je dis ça, je dis rien, mais je crois qu’au Fenua, pour savoir le temps qu’il va faire, vaut mieux regarder les nuages que d’écouter la télé. Allez à la prochaine et je vous le jure, je ne vous parlerais pas de la météo qui fâche.

 

[i] Français de métropole

[ii] Petites embarcations en alu ou en plastique utilisées pour la pêche côtière, lagonaire et le transport

 

Publié dans Billets du capitaine

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