Cahier de bord : juin 2017 les belles rencontres de la navigation sur commande

Publié le par Equipage Contre-Temps

ou

faut être clair, ça, on travaille pas à l’usine !

Ba voui, on peut pas toujours vivre de coucheries, de rhums et d’honoraires durement gagnées, faut bien, un jour, payer le gazole et les croquettes du chien matelot… Alors pas le choix, on bosse, on bosse, on bosse !

 

« On sent que l’équipage, il va râler… Et pourquoi qu’ils râlent l’équipage ?» direz-vous en vous agaçant parce que, quand même « ils ont une vie de rêves, eux qui ont les pieds en l’air et les doigts de pieds dans le vent. Ils sont jamais contents, ces parigots, têtes de chien, c’est sûr, c’est la preuve, ça ! … na, na, na… na, na, na…»

 

C’est pas les sourires des hôtes, ni les cris festifs des enfants, non plus les plouffs de Sika avec les gamins, encore moins les partages d’histoires et de fous rires qui font tiquer l’équipage avec ce boulot là, ça alors non … on rencontre des situations et des gens étonnants, plus locaux qu’étrangers, bien plus sympas que têtes de cons, faut être clair… On a une vie formidable !

On navigue pour gagner des sous et ça, c’est, pour le capitaine et la mousse, inespéré comme moyen de gagner sa croute, tellement on aime voguer sur not’bobato aux Marquises ! Faut le crier haut et fort : on est content !

Alors, on s’en va vous le dire une bonne fois pour toute et tout de go, ce qui fait bouder l’équipage dans ce boulot tellement si difficile, tellement si dur qu’on l’adore…

Le bas qui blesse, - même si on le met jamais, vu les températures du Sud ! -, celui qui fait mal donc, c’est que, quand on vogue, sur commande, sur les flots pas pacifiques de la grande immense bleue, à date et heure fixes, quand l’hôte est à bord, y’a plus le choix, faut y aller, là où on a dit qu’on irait, quelle que soit la météo, qu’elle soit caca ou idéale !

Et c’est ça qui perturbe l’équipage !

En cinq ans, depuis le départ du Contre-Temps de La Rochelle, pas une tempête, pas un coup de vent ou de mer et ce, pour une raison très simple : l’équipage a toujours suivi son adage personnel « quand les éléments te donnent pas envie d’y aller, t’y va pas ! »

CQFD !

Aujourd’hui, faut lever l’ancre et hisser les voiles, même quand ça plait moyen, à vue de nez et d’expériences…

Du coup, comme dirait l’autre, y’a un mal pour un bien, et vice versa sans inversement, car l’équipage a maintenant de quoi raconter ses quarantièmes rugissants à lui, comme les autres voileux qui, attablés chez Henry au petit quai, ont combattu les éléments déchainés, les vagues scélérates et les monstres marins terrifiants !

Les Contre-Temps, ils ont donc eu droit, eux aussi, à un joli coup de vent de 35 nœuds, d’une heure trente en partant de Ua Pou pour ramener des hôtes à l’avion à Nuku Hiva ; comme on avait bien fait de ne pas sortir la Grand-voile ! Il y a aussi eu une mer très agitée avec une famille en vacances sur le même parcours ; la gamine, malade à remplir des seaux, a rendu la maman limite même état ; le ciel, plombé, a déversé trois grains en deux heures finissant de nous tremper à 38 nœuds ; comme on avait bien fait d’affaler la Grand-voile … Le summum ? Les 40 nœuds de vent établi, entre vingt-trois heures et une heure trente du matin, en arrivant sous l’ile de Eiao, inconnue pour l’équipage, ce qui n’est pas sans corser la chose, bien sûr ; comme on avait bien fait de tout affaler à 5 miles de la terre … On vous parle même pas des quatre heures de moteurs nécessaires pour faire un Ua Huka – Ua Pou, - avec une seule nuit à Vaipaee, vite fait mal fait - sans une miette de vent, sans une once de poissons, vu le nombre de dauphins chevauchant les clapotis provoqués par les étraves du Contre-Temps ; comme on avait bien fait de mettre tout dessus en partant … !

Cahier de bord : juin 2017 les belles rencontres de la navigation sur commande
Cahier de bord : juin 2017 les belles rencontres de la navigation sur commande
Cahier de bord : juin 2017 les belles rencontres de la navigation sur commande

Bon, ça y est, on a râlé mais vous avouerez que, quand même, là, quand on vous dit qu’on a un boulot épuisant, c’est des preuves tout ça, non ?!

 

Allez, va, maintenant, passons aux choses jolies, charmantes, et tout et tout…

Qui dit « Hôtes », dit réaménagement et modernisation du Contre-Temps ! La mousse s’en donne à cœur joie : nouveaux casiers dans la salle de bain, nouvelle déco dans la cabine tribord - celle qui n’a jamais été vaigrée, en attendant de stratifier des paréos directement sur la coque intérieure, comme nous l’a montré les Coccinelle ; il nous manque le savoir-faire et les produits, interdits de circuler en avion… –

Cahier de bord : juin 2017 les belles rencontres de la navigation sur commande

Nouvelles housses de coussins, nouveau linge de lit, des kayaks qu’on sait pas où mettre, un nouveau moteur hors-bord, des équipements de sécurité revus, … on est dans le bleu dedans dehors !

 

On devient aussi des habitués – jamais blasés - de la traversée Nuku Hiva - Ua Pou - Nuku Hiva, avec nos points de repères à nous : une presque presqu’ile, à l’est de l’Ua Pou prend, à bord, le surnom de « la baleine ». On sait que quand on la voit se transformer en rien, on est à une petit heure des mouillages de Ua Pou. En vérifiant sur les cartes marquisiennes, le caillou s’appelle « le gros poisson » ! Bien vu !

Cahier de bord : juin 2017 les belles rencontres de la navigation sur commande

On connait assez bien les périmètres sur lesquels les bancs de dauphins se baladent … mais, merveilleuse surprise, on voit pour la première fois en mer, frôlant la coque tribord, une orque pygmée grandiose. Elles sont en fait quatre à surfer sous nos yeux ébahis, tellement elles sont belles et majestueuses.

Cahier de bord : juin 2017 les belles rencontres de la navigation sur commande
Cahier de bord : juin 2017 les belles rencontres de la navigation sur commande

L'orque pygmée ou orque naine est une espèce de cétacés, qui se rencontre dans tous les océans (sauf polaires) ainsi qu'en Méditerranée. C'est la seule espèce du genre Feresa. Animal peu connu, rarement observé malgré sa distribution très étendue, couvrant presque toutes les eaux tropicales et subtropicales profondes et la Méditerranée occidentale, sa taille analogue à celle de nombreux dauphins, pourrait être confondue avec celle du dauphin d'Électre. Son manteau foncé est sans doute son caractère le plus distinctif avec son menton blanc qui n'est pas toujours très marqué.

A Ua Pou, qui est devenu notre camp de base, l’équipage propose maintenant le tour de l‘ile à la voile. On l’a testé avec un « cobaye » - des cobaux ! - Yan, un contrôleur Veritas, bloqué par les grèves ... Il s’ennuyait, il faisait beau, on lui a proposé un petit tour pour le fun !

On a passé une bonne journée !

Cahier de bord : juin 2017 les belles rencontres de la navigation sur commande
Cahier de bord : juin 2017 les belles rencontres de la navigation sur commande
Cahier de bord : juin 2017 les belles rencontres de la navigation sur commande
Cahier de bord : juin 2017 les belles rencontres de la navigation sur commande

Du coup, on emmène une famille, papa-maman, papy-mamy et 3 enfants se balader. La jeune fille, épatée par les tours de Sika raconte « mon premier chien, on est allé le chercher à la SPA, ça a été mon premier coup de foudre » ! Ayant barré le Contre-Temps sur une partie du chemin de retour, elle confie au capitaine, avant de partir « tu m’as donné le gout de la mer et du catamaran, je te remercie pour cette journée », pendant que son frère cadet demande, dans le creux de l’oreille de son papa, « dis, tu peux acheter un catamaran ! » … Les deux veulent maintenant suivre des cours de hobby cat dès leur arrivée à Moorea, pour « apprendre le vent ».

La mousse fait une mention spéciale à ces deux co mousses occasionnels, champions pour détecter les raies Manta qui flottouillent souvent près d’un gros rocher, vers le sud de Ua Pou. Du coup, on a décrété tous ensemble que ce caillou s’appellerait maintenant « motu fafa’ua », le caillou aux Manta !

Et les parents de conclure « c’est un beau dimanche, on a découvert Ua Pou autrement et du coup, maintenant, on l’apprécie » !

Cahier de bord : juin 2017 les belles rencontres de la navigation sur commande
Cahier de bord : juin 2017 les belles rencontres de la navigation sur commande

On a passé une bonne journée !

Comme la routine a du bon, en travavoguant aux Marquises …

 

La jolie surprise de ce début du mois de juin, c’est une virée avec des chasseurs marquisiens sur l’ile de Eiao. Ils ont réservé le cata pour 4 jours, voyage compris. C’est la bonne saison pour y aller ou plutôt la moins mauvaise : l’aller devrait être bon – 75 000 miles -, le mouillage aussi, le retour sera plus musclé mais c’est pas si mal pour se rendre sur cette ile, plein Nord, inhabitée aujourd’hui, paradis des chasseurs et des pécheurs. L’équipage a raconté un peu vite, dans un autre billet, qu’il avait maintenant vu toutes les iles de l’Archipel … les habités, oui, mais les désertes, il en manque encore quelques-unes… Eiao en fait partie…

Avec ses 50 km2 de superficie, Eiao est, probablement, l’une des dernières plus grandes îles désertes existant de par le monde. Désertée serait un terme plus précis car, bien qu’ayant une topographie difficile, elle fut peuplée avant l’arrivée dans les îles polynésiennes des premiers Européens. Une ancienne tradition orale raconte qu’elle abriterait un fabuleux trésor péruvien rapporté par des Espagnols : pierres précieuses, or, bijoux…D’autres éléments rapportent que, lors de la Seconde Guerre Mondiale, un sous-marin allemand y aurait mouillé secrètement pour y cacher un important butin nazi… Nul ne sait vraiment s’il s’agit de légendes ou si tout cela est bien réel, mais les quelques chasseurs de trésor qui ont clandestinement fouillé ses pentes n’ont apparemment rien découvert. A moins qu’ils aient gardé secret ce qu’ils auraient pu trouver…Ou que ce trésor, d’une tout autre nature, ait échappé à leurs investigations !

Ce qui est certain, c’est que Eiao possède une richesse patrimoniale d’importance régionale, si on peut dire que le Pacifique Sud est une région, dont les témoins visibles sont des milliers d’éclats basaltiques qui parsèment certains secteurs de l’île. Ce sont les vestiges de l’époque où cette île du bout du monde était un atelier de fabrication d’outils de par la présence d’une roche unique, un basalte à grain fin. De ce matériau précieux, les anciens marquisiens tirèrent des herminettes et autres outils de qualité qu’ils fabriquaient en masse. Il n’y a que deux îles dans cette région orientale du Pacifique qui offrent cette richesse géologique : Eiao et Pitcairn. La production fut quasiment « industrielle », et cet outillage de qualité était apprécié et « exporté » vers d’autres îles marquisiennes, mais aussi vers d’autres archipels plus éloignés. On a aujourd’hui mis en évidence, grâce à des analyses, que dans certains sites marquisiens, la proportion d’outillage en provenance de Eiao atteignait près de 50% (site de Hanamiai sur Tahuata à 130km au sud de Eiao). Plus remarquable, on a retrouvé une herminette provenant de Eiao sur Moorea (à plus de 1 400 km de son origine), trois ou quatre autres à Mangareva distante de 1 800 km, et même une dans l’île Tabuaeran dans l’actuel république des Kiribati à plus de 2 500 km de Eiao ! Distances nécessairement franchies à l’époque à l’aide de pirogues ! Ces échanges ont cessé à partir du XVe siècle, sans qu'on en connaisse la raison. Sur l’île, les vestiges de cette importante production ne manquent pas : vastes ateliers et zones parsemées d’éclats de basalte, vestiges construits divers…

L’équipage embarque donc 4 chasseurs, avec autorisation administrative en poche du Tavana Hau des iles Marquises – administrateur territorial - et permis de chasse validés par le Maire. Eiao appartient en effet au domaine privé du territoire et elle est rattachée administrativement à la commune de Nuku Hiva. C’est aujourd’hui une aire de gestion des habitats et des espèces qui vise leur préservation, la mise en place de programme de recherche, la surveillance continue de l’environnement, et l’information et l’éducation du public. L’accès y est toujours autorisé mais il doit être dument demandé.

On charge en une demi-journée les équipements de chasse et de pêche sous-marine, les sacs à dos, les touques et le sel pour les moutons descendus, le kai kai, la vaisselle, six arbres fruitiers à planter, une batterie, quelques bières, et même les doudous pour dormir ! On vous passe les glacières petites et moyennes et la plus grande, celle de 270l, chargée de glace, qui barre l’entrée du carré et, ce que l’on prend pour un « arbre » à dépecer les moutons, fait d’IPN soudés en forme de croix !

Cahier de bord : juin 2017 les belles rencontres de la navigation sur commande
Cahier de bord : juin 2017 les belles rencontres de la navigation sur commande
Cahier de bord : juin 2017 les belles rencontres de la navigation sur commande

En fait, si on s’entend si bien avec les marquisiens, c’est qu’ils font comme nous, ils transportent leur maison sur leur dos, comme les tortues.

 

Première étape, l’aller : 12h, 6.2 nœuds de vitesse moyenne, pas un grain, petit largue, une bonne nav !

« Euh, la mer est forte là, non ? », dit Dave

« Non, regarde, on l’a dans le cul, on surfe, trop bien, on fait des pointes à 12 nœuds » - vu le chargement du cata, c’est déjà beaucoup ! – dit le capitaine

« Ah mais c’est parce que toi, t’as l’habitude de vagues plus grandes, ça te fait pas peur ! »,

« Non, jamais plus grandes que celles-là ! c’est juste une bonne allure pour nous ! »

Les marquisiens n’en reviennent pas. D’habitude, ils y vont en bateau moteur et cette allure est un calvaire tellement ils sont ballotés…

On dine de merveilles, préparées par les chéries des toa, puis ils s’endorment à droite, à gauche, dehors, « pour avoir de l’air ! »

L’arrivée, en pleine nuit et plein vent, est épique et limite de faire demi-tour mais le mouillage répond aux attentes ; calme, bonne prise dans 10m d’eau, encore très loin de la falaise …

S 07°59.593’

W 140°42.619’

Cahier de bord : juin 2017 les belles rencontres de la navigation sur commande

A 5h30, après quatre petites heures de sommeil, les chasseurs sont prêts ; débarquement de tout, en moins d’une heure, au campement nouvellement aménagé pour les visiteurs de l’ile : chasseurs et pécheurs locaux et pécheurs sportifs japonais et chinois qui viennent se photographier avec leurs grosses prises ensuite relâchées ! Le Territoire ne pouvait les accueillir sous des bâches, sans sanitaires, sans électricité. Tout le monde y gagne, l’équipage aussi, qui prend une douche géante devant une vue imprenable sur la baie…

Cahier de bord : juin 2017 les belles rencontres de la navigation sur commande

Nos 4 équipiers partent direct dans la montagne en embarquant sur leurs dos les IPN et une bombe de peinture ?! On les a bien fait rire en leur racontant notre méprise, notre outil à vider les moutons est, en fait, une croix, amenée tout en haut de la montagne pour remercier d’un miracle !

Ça arrive à tout le monde de se tromper, non ?

Le capitaine, la mousse et le chien matelot, pas trop intéressé par les pistes de cochons, bullouillent, et barbottent dans une eau rougie par les sédiments ferreux mais ne s’aventurent pas dans la grimpette de 350 mètres pour arriver sur les plateaux d’origine volcanique situées entre 350 et 500m d’altitude. Trop longue, trop raide.

Cahier de bord : juin 2017 les belles rencontres de la navigation sur commande
Cahier de bord : juin 2017 les belles rencontres de la navigation sur commande
Cahier de bord : juin 2017 les belles rencontres de la navigation sur commande
Cahier de bord : juin 2017 les belles rencontres de la navigation sur commande
Cahier de bord : juin 2017 les belles rencontres de la navigation sur commande
Cahier de bord : juin 2017 les belles rencontres de la navigation sur commande

A 19h30, diner rapide avec nos 4 toa répandus de fatigue ; Dave a buté 13 moutons en deux coups, sur le plateau. Premier arrivé, premier tireur ! Il faut dire que Dave, il court quand il chasse ! Si, si, il court, les trois autres l’ont confirmé ! Et puis les moutons, ils font que désertifier l’ile, à plus de 3 500 têtes au dernier recensement, ils sont devenus nuisibles et abrutis ! Y’a qu’à épauler et tirer, qu’ils disent les marquisiens ! Le scénario est donc simple : après dépeçage sur site, chargement des sacs à dos et redescente. Ça prend la journée et une partie de la nuit pour finir la découpe et le salage… Bouh !

 

La pluie qui se déversera dès les premières heures de la nuit modifiera le programme du lendemain. Dave file chercher le déjeuner, une quinzaine de poissons chirurgiens, dégustés cru au lait de coco, avec le capitaine en assistance, qui trouve le moyen de se faire découper le petit doigt par la queue du dit poisson ! Houps ! et adieu les langoustes, l’eau est trop chocolat rouge !

On lève l’ancre et on passe devant la baie « Paquete », pour nous faire raconter l’histoire de ce lieu par Cohu, l’un de nos chasseurs. Ici, on trouve encore des « paquets » de ciment et des seaux de maçon, largués là dans les années 1970 par le BRGM - Bureau de Recherches Géologiques et Minières - , un organisme français qui avait pressenti Eiao pour abriter les essais nucléaires français via des explosions souterraines. En 1972, une campagne de forage fut réalisée et les matériels et matériaux, largués par hélicoptère, tellement l’accès au plateau est difficile. Par chance, les trois sondages profonds montrèrent que la géologie de l’île s’avérait trop fragile et le projet fut enterré. Cohu était de ceux qui ont foré avec la Légion Etrangère ! En 6 mois de campagne, il n’a jamais su ce qu’il faisait là. La mission était classée « secret défense ». C’est en arrivant en France, l’année suivante, qu’il vit une affiche « Non aux essais à Eiao ! »

On tente un débarquement dans la baie du Charner, plus au Nord mais la houle entre trop. Elle est plein Est et ça passe la pointe. Le capitaine y laisse un bout de chair du bras, après une manœuvre d’annexe ratée et décide d’une halte pour le déjeuner puis du retour.

S 07°57.782’

W 140°39.913’

Adieu les moutons frais qui regardent, goguenards, le Contre-Temps du bout de la plage ! On passera sous silence – mais on en a bien ri - le cochon qui s’est allègrement moqué de Dave, en regardant passé la balle au bout de son groin et les poissons pas péchés par Yvon, malgré une chambre à air judicieusement placée à l’arrière tribord tout le long du trajet de retour !

Ça arrive à tout le monde de se tromper, non ?

 

Eiao laisse à l’équipage une envie de revenir, plus longtemps, en passant par le banc de sable Motu One, par le Nord donc.

On n’a pas vu les multiples pae pae et la mine à ciel ouvert d’herminettes… On n’a pas, non plus, entendu les voix qui ont tant apeuré Georges de Caunes, en 1962, qui, à la suite d'une rupture sentimentale, avait signé un contrat d'exclusivité avec la RTF pour une expérience de vie solitaire d'un an, avec contact journalier sur les ondes ... Le choix d'une « vraie » île s’était alors porté sur Eiao, parce qu'elle était déserte, éloignée de tout, et surtout parce qu'elle appartenait aux Domaines qui donnèrent à Georges de Caunes l'autorisation de s'y installer pour un franc symbolique. Il s’y posa avec son chien Eder et rendit compte, chaque jour de sa solitude absolue. « C’est l'antichambre de l'enfer! », fut sa première réaction ! Une expérience de survie qu'il dut abandonner au bout d’une centaine de jours, à cause de la dureté de la solitude et pour raison de santé... Les marquisiens qui l’embarquèrent, fébrile, épouvanté par les voix qu’il entendait chaque nuit, eurent toutes les peines du monde à compter le nombre et de bouteilles de whisky, vides, sur la plage et de piqures de moustiques sur le corps du journaliste, exsangue …

Quant aux deux chercheurs italiens, débarqués avec peu d’effets et de matériels, dans la même baie, et venus étudier la vie endémique de l’ile pour 6 mois, ils ne résistèrent qu’une seule nuit aux voix descendues de la montagne. Affolés, ils lancèrent un SOS dès le lendemain de leur arrivée à l’un de nos copains pécheur de Nuku Hiva. C’était il y a de ça une quinzaine d’années…

L’équipage, lui, a bien entendu les moutons, qui pleurent la nuit comme des bébés mais, comme il n’avait ni bu, ni consommé rien d’illicite, il s’est contenté d’en rire !

 

Le retour, en 15h, au bon plein avec une mer agitée et une houle plein Est qui ont chahuté le Contre-Temps, chargé à bloc, a été mené de main de maitre par le capitaine, qui a barré presque tout le long, pour éviter la dérive ! 30 nœuds de vent établi, deux ris partout, une pointe à 14 nœuds enregistrée, très étonnamment à cette allure, on est arrivé à rentrer sur un bord jusqu’au nord de Nuku Hiva avec une petite moyenne à 5.1 nœuds et 78 miles nautiques parcourus pour une route idéale de 73. Confiants sans doute et épuisés surement, Dave s’est écroulé sur la glacière, Joseph, après une vague qui l’a trempé, a fini dans la cabine bâbord, au chaud, et Cohu a dormi dans le carré avec Yvon !

Arrivés à Taiohae, en dix minutes, à 5h30 du matin, après une petite heure de récupération, le bateau a été vidé de tous et de tout, sans une égratignure, sans une rayure, sans casse, dans la bonne humeur et le sourire ! Un vrai plaisir de naviguer avec cette bande de potes qui trouvent leurs places sans plan, leurs fonctions sans fiche de poste, et leurs leaders sans sentimentalisme !

On a passé quatre très très bonnes journées !

Et comme c’était férié, Cohu, malgré la fatigue et sa prothèse au genou qui l’a handicapé dans les montées et les descentes, a organisé ce lundi, son barbec rituel du dimanche, sur la plage, en invitant tout le monde …

On se retrouve vers 15h, après une bonne sieste, les mêmes que ceux d’Eiao plus les chéries et quelques copains qui prennent des nouvelles de la chasse ! Le capitaine en profite pour questionner Cohu :

« Je t’ai entendu dire que tu étais content d’être venu à Eiao car c’est la première et dernière fois que tu y viens pour chasser. Avant c’était uniquement pour le travail »

« C’est vrai, c’est ma dernière fois avant de mourir »

« T’as bien dit ça ? »

« Oui, moi, je vis pour aujourd’hui. Les taote -médecins -ils me disent pas de whisky, pas de ci pas de ça... Moi, à l’âge que j’ai -64 ans-, je vis aujourd’hui. Ceux qui vivent pour demain sont déjà morts » !

 

Le capitaine aime cette philosophie de vie, elle lui va bien, surtout quand il boit du pinard et dévore du cochon !

Vous en connaissez beaucoup, vous, des boulots comme ça ?

Nous, on s’y est embauché en CDI à vie

Plus d’infos sur Eiao

L'archéologue Michel Charleux

http://www.environnement.pf/eiao#sthash.rld4pM6r.dpuf

http://polynelise.com/eiao-lile-mysterieuse/

Association pour les recherches scientifiques et historiques sur Eiao (ARSH-Eiao)

Publié dans Cahier de bord

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article