Nos états d’âme : dis-moi comment tu t’appelles, je te dirais ta vie….

Publié le par Equipage Contre-Temps

Le mousse, après un peu plus d’une année d’expériences salées, ensoleillées et marinisées se questionne depuis un moment, et d’une manière toute philosophique, et pour ne pas le nier, on peut le dire carrément « existentielle », à  propos de la destinée, de l’avenir, du futur, de demain, de toute à l’heure… de certains de ces équipages de voileux rencontrés de par le petit bout de monde déjà parcouru et qui, même tous plus disparates les uns que les autres, ont une chose en commun, très spéciale.

Le mousse n’évoquera pas ici l’immense respect qui existe au cœur des mouillages, entre ceux qui laissent joyeusement tourner leur groupe 24h/24 pour regarder la Tv au cœur de leur carré illuminé comme un arbre de Noël qui serait habilement positionné devant les vitrines des grands magasins parisiens et d’autres, qui braillent du Céline Dion à tue-tête et en boucle, les soirs de déprime…

Il ne cherchera pas non plus à décrire ce fabuleux esprit de vaillant combattant, bravant les éléments déchainés, qui font soufflés les vents à 67 nœuds et monter les creux à 6m, tout ça hors saisons et zones cycloniques et après deux Ricard aux glaçons, bien calés dans des cockpits confortables et ombragés, avec une éolienne en vrac ou un pilote mal programmé…

Quant à la grande curiosité et, encore plus, la magnifique  tolérance dont certains font preuve vis-à-vis de l’autochtone, de sa culture, de sa nourriture, de ses mœurs, us et coutumes, le mousse ne les suggèrera même pas, tant il est courant de manger « typiquement français » sur tous les mouillages….

Non, le mousse se tripatouille le peu de méninges qui n’ont pas encore fondues sous l’action combinée du soleil, du sel et de la sieste, vautrée qu’elle est, au doux alizée de ce début d’automne – ha ha ha, le mousse en rit de bonheur! -  le mousse se tripatouille donc à propos du truc, du machin, du bidule, qui flotte sous les pieds nus et bronzés de certains navigateurs et trices,  particulièrement quand, justement, ce sont ces mêmes navigateurs et trices qui ont choisi, tout seuls, comme des grands, en leur âme et pleine conscience, dans le secret de leur rêves et de leurs nuits étoilées, le nom du dit truc , machin, bidule, qui flotte sous leurs pieds  ….

Le mousse ose partager sa question avec le monde entier de lecteurs et trices de ce blog, sachant que celle-ci va en empêcher certains de dormir, d’autres de manger et certaines mêmes de vivre. Carrément !

N’y tenant plus, le mousse vous soumet donc sa réflexion : «  Le nom d‘un bateau peut-il déterminer la vie du dit bateau et donc, par voie de conséquence, celle de son équipage ? ».

 

Ça parait idiot comme ça, à lire, et encore plus à penser, c’est même ridicule… parce que cela  voudrait dire que des forces supérieures et immanentes règlent, dans notre dos, sans même qu’on s’en aperçoive, nos vies, alors que nous sommes des humains pensants, réfléchissants – non pas comme les bandes… – des êtres autonomes, surs et responsables - surtout quand on a le permis de conduire  -et encore plus quand on est un voileux qui a fait le choix de vivre sur la mer, en bateau, grâce à la force des éléments, loin des contingences matérielles et terrestres, politiques et économiques, fiscales et postales… . Et voilà le mousse replongé dans Platon et sa caverne qui bataille entre Descartes et Sartre, avec Hegel et Bergson qui contemplent le massacre….S’en est trop, le neurone du mousse crie grâce et va se coucher, tout dépité !

Mais le  jour suivant arrive toujours…

Le capitaine câline le mousse pour la réveiller, la douce odeur du café et le clapotis des vagues sur les coques sont les signes du « faut se lever ! »… Il fait 30 degrés à 9h, l’alizée est toujours là, léger et juste tiède, les poissons dansent à l’ombre de notre maison, un copain bateau est à accompagner pour sa sortie au carénage…et ça recommence, le neurone du mousse s’agite et gesticule fébrilement, il va finir par avoir des crampes ! Aïe ! Le mousse a mal – vite il faut lui acheter une clinique ! – il doit donc s’y coller….Faut réfléchir – un peu ! -

 

Allez, c’est parti :

Quand des gens, qui semblent tout à fait normaux, à priori - mais pas du tout, à postériori, parce qu’il faut être un vrai malade pour mettre ses sous et ses rêves dans des trucs en plastique ou en ferraille, voir même pour certains, en ciment,  des trucs donc qui ne font que perdre et en valeur, et en flottabilité au cours de leur pas si longue vie…. – bref, passons mais quand même ! …., quand des gens qui semblent tout à fait normaux, écrivait donc le mousse en introduction, deviennent propriétaires du truc sus décrit, ils doivent lui donner un nom, si le bidule est neuf ;  ils peuvent lui changer son nom, si il est d’occasion – le machin, pas le nom ! - , en respectant plusieurs règles, certaines administratives, d’autres folkloriques, sachant que les secondes sont plus prégnantes que les premières, les fameux « gens qui semblent tout à fait normaux, à priori » sus nommés étant franchement et surement superstitieux – ce sont des vrais malades, ça se confirme !-

La loi dit, qu’en France, tout bateau de plus de 7 mètres ou de 22 chevaux de puissance administrative doit posséder un nom, en plus de son immatriculation.

Le choix du nom de baptême du bateau est libre, tous les noms sont acceptés. Toutefois, il est interdit de choisir un nom pouvant donner lieu à troubles pour l'ordre public, les bonnes mœurs ou pouvant nuire à l'intérêt national. Il est interdit également de choisir un nom pouvant prêter à confusion phonique avec le mot code " May Day " prévu comme signal de détresse radiophonique.

Pour changer le nom d’un bateau, il suffit de faire une demande aux affaires maritimes, de payer le nouveau certificat de navigation ou l'acte de francisation, suivant la taille du bateau renommé.

Dans ce cas précis, la tradition marine est plus forte que toutes les lois écrites noir sur blanc dans les très sérieux livres des douanes et des affaires maritimes, la tradition marine, donc, dit que changer le nom d’un navire porte malheur.

Toutefois, elle dit aussi que, si il est indispensable de débaptiser un bateau, donc de conjurer ce malheur, il faut suivre le rituel suivant :
-Désigner une marraine.
- Afficher, sur le bateau, le nouveau nom à la place de l’ancien.
- Embarquer une bouteille de champagne.
- Sortir en mer, la marraine doit être à bord.
- Faire faire un 8 au navire.
- Après que le bateau ait croisé son propre sillage, tirer un coup de fusil dans l’eau, là où les sillages se croisent. (À blanc c’est plus prudent !).
- Le navire a alors son nouveau nom.
- Embrasser la marraine.
- Déboucher la bouteille de champagne.

Tu parles d’un boulot, juste pour un nom, t’a pas l’air d’un con quand tu fais tout ça avec ton rafiot, que tu maitrises à peine - surtout que,  si t’es un mec, ton premier objectif, c’est de te faire la marraine, le second c’est de pas te faire gauler, même si, l’air de rien, tu te dis qu’il vaut mieux respecter la tradition, ça mange pas de pain et en cas de pépin, ça peut servir !  -

Pour information, cette cérémonie est d’origine incertaine, mais pratiquée, parait-il, dans les ports Bretons… de grands malades de la mer, eux, comme chacun le sait déjà... – Bref, passons mais quand même ! ….

 

Première conclusion : Y’a donc des risques à nommer un bateau – jeune ou vieux- qu’on se le dise…

 

Donc, pour aider les fameux « gens qui semblent tout à fait normaux, à priori » re sus nommés plus haut, à trouver un nom à cette pu… de barcasse, sans risquer ni l’amende douanière, ni l’opprobre publique, il y a

  • la famille, toujours de bons conseils « tu devrais pas », « c’est ridicule », « ça veut dire quoi ? », « c’est pas un nom de bateau, ça… »
  • les copains, toujours de bons conseils également « mon chez moi », « ma maison », « sex, sexe and sun », « tipunch »…
  • les fameux « mot-valise », appris en fin de primaire, et les non moins fameuses associations de plusieurs syllabes de prénoms pour créer un « nom unique »  genre « Quatre à Cat », « Tamala », « Jéré Alizé », « Nano », « Léla »…-
  • la culture de l’équipage, genre « Jedi », « Sher Khan », « Mathusalem », « Narcose » - tout type de cultures différentes bien sur…-
  • Internet : des centaines de sites, qui y vont de leur référencement de noms soient disant originaux, de leurs expériences personnelles psychologiquement hautement déstabilisantes à propos du choix du fameux patronyme, des rêves, pressentiments, visions, souvenirs, évidences ….ayant aidé à ….

 

Deuxième conclusion : il y a de quoi trouver des appellations qui répondent et aux critères légaux et aux autres – quel qu’ils soient -…sans tomber dans la psychologisation, le freudien, et encore plus fort, la magie,  la sorcellerie, ou la prédétermination de l’espèce humaine !

 

OK d’accord, mais alors il est où le problème, direz-vous – si vous pouviez le faire en direct live-  au mousse?

C’est quoi cette question sans fondement de destinée pré établie fantasmagorique et psychédélique – le mousse ose cette association là ; à défaut d’une autre…. ! – d’où est ce que ça peut bien lui venir cette idée de fatalité, de mauvaise fortune, inscrite quelque part, au fin fond de l’univers, du même endroit que là ou habitent les envahisseurs avec le petit doigt en l’air ! – ouh la la, le mousse est barré loin dans sa tête, que vous vous dites et que vous avez bien raison… -

Eh bien voilà ce qui a amené le mousse à s’interroger pendant de longues heures, en plein cagnard, sans eau, sans chauffage, sans électricité … - le mousse en fait trop, comme d’hab, triez ! -, c’est l’aventure du bateau copain qui est sorti aujourd’hui pour avoir une coque toute belle, et quelques autres broutilles. Il s’appelle Téou … et Téou a une drôle d’histoire pas drôle, relatée par Edwige et François sur leur blog…

25 ans de boulot pour voguer sur Téou, vers le Pacifique sud, pour changer de vies. Edwige et François sont partis il y a 18 mois de Martinique.

Le 14 novembre 2012, Téou est volé alors qu’il se trouve au ponton de la marina sécurisée de Prickly Bay. Un gars est monté à bord, de nuit, il est parti avec Téou. L’équipage est en France à ce moment-là, première fois qu’il quittait le bord.

Les autorités cherchent Téou partout, rien à faire, Téou a disparu.

Téou est retrouvé, par hasard, par un bateau copain, le 14 Décembre 2012 à Aruba. Il est skippé par un professionnel d'Aruba à Grenade, après avoir esquivé une prise en chasse par un bateau inconnu au Nord du Vénézuela. Téou a été complètement pillé des affaires personnelles de l’équipage ainsi que d'une partie de l'électronique, de son mouillage et de bien d'autres choses ; il a aussi été saccagé… Edwige et François stoppent leur projet, ils sont anéantis, vendent Téou. Ils changent –encore- de vies…

 

L’équipage a choisi d’appeler leur bobato « Téou» pour jouer avec les mots sur leur blog « il est où Téou ? », « t’es où, Téou ? » -sic-

 

Autre exemple pour étayer cette longue cogitation, toute à fait pertinente et indispensable à la bonne rotation du monde….

Le « Contre-Temps »…. Le mousse ne reviendra que brièvement – pour une fois - sur le nom du bateau sur lequel elle navigue avec le capitaine … l’une des définitions : se trouver inopinément dans des circonstances qui dérangent les mesures prises. Accident inopiné qui rompt les mesures prises, qui dérange les projets.

Hum, Hum…

Ceux qui lisent le blog feront eux-mêmes les associations d’idées et de faits…- les autres, m’en fous !-.

Et comme ça, en passant, des tonnes de gens ont dit à l’équipage, depuis 15 mois, « oh ba avec un nom comme ça, vous l’avez bien cherché, faut pas s’étonner… » … Bref, passons mais quand même ! ….

 

 

Le mousse pense donc, avec son unique neurone de blonde qui plus est,  que, même si deux cas ne font pas lois, y a quand même de quoi se dire que «  Le nom d‘un bateau peut déterminer la vie du dit bateau et donc, par voie de conséquence, celle de son équipage », non ? CQFD…

 

Voilà, vous avez maintenant de quoi, pov’terriens, reprendre le cours de votre vie et réfléchir pendant plusieurs jours et autant de nuits,  - si jamais il vous reste un peu de temps en dehors de votre boulot, de vos enfants, de votre patron, de votre conjoint, de vos impôts, de votre voiture, de votre banquier, des voisins et de la Tv….-

 

Pour la route – ou pour la nav. - et afin d’alimenter vos imaginaires en manque d’air... Autre question soumise à votre sagacité : Quelles peuvent bien être les vies des équipages de  « Bande à part », « Barbe roots », « Dyade », « Exocet », « Freevol », « Harmoony », « Kouunji » - pour les incultes en japonais « l’enfant chéri de la chance »  , «  Stand by me »,  « Toccata », « Toi et Moi », « Touva »,  «  Va », et aussi de « Tout y est », «Whatever », « Morpion », « Capella », « It’s perfect », « Inspiration », Witchway », « Madness », « Free spirit »… noms de bateaux que le mousse et le capitaine ont effectivement relevé au mouillage de Prickly Bay aujourd’hui, et ailleurs… ?

 

Publié dans Nos états d'âme...

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M
Vous auriez peut-être pu l'appeler "Charles", non? Pour mile et une raisons...
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L
Et bien en voilà des réflexions riches de conséquences !!! J'espère que le seul neurone de blonde du mousse s'est un peu reposé et lui permettra encore de rédiger de futurs articles à la hauteur de ce dernier !!!
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S
JOOOONY, te souviens-tu du &quot;Petit espoir&quot; Sa, c’était un nom qui ressemblait parfaitement à son proprio!<br /> Bizzzzzzzzzzzzzzzzzzz
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